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Une autre artiste célèbre à Saint-Quay-Portrieux : Berthe Morisot (1841-1895)

Chapelle Sainte-Anne Saint-Quay-Portrieux
Sur la falaise au Portrieux – Berthe Morisot – © Bridgeman Images

Berthe Morisot, la rebelle

Berthe Morisot naît dans une famille bourgeoise. Elle reçoit avec sa sœur une éducation qui met en valeur leur sensibilité artistique.

Leur professeur de dessin s’adresse ainsi à leurs parents : « Avec des natures comme celles de vos filles, ce ne sont pas des petits talents d’agrément […]elles deviendront des peintres ». Pour autant, la porte des Beaux-Arts leur est interdite en raison de leur sexe.

A cette époque, il était inconvenant qu’une femme puisse travailler comme artiste, mais Berthe est déterminée à poursuivre sa voie et se battra pour exister en tant que peintre.

Berthe Morisot étendue – Edouard Manet – © Musée Marmottent-Monet

A 23 ans, elle n’hésite pas à mettre en cause sa réputation en acceptant de poser pour Edouard Manet et entame des relations artistiques et amicales avec des peintres comme Renoir, Degas, Bazille, Monet, Pissarro, Sisley qui sont en quête de modernité. Camille Corot l’initie à la peinture en plein air et à la couleur.

Avec beaucoup de persévérance et de travail, Berthe Morisot obtient peu à peu son indépendance. Reconnue par le jury, elle est inscrite au salon des impressionnistes de 1865 et suscite l’admiration de ses pairs.

Quand elle épouse en 1874 Eugène Manet, frère d’Edouard, il lui faut concilier vie de famille et vie d’artiste. Bien que mariée, elle signe ses œuvres de son nom de jeune fille et va consacrer sa vie à la peinture.
Leur fille Julie née en 1878, épousera en 1900 Ernest Rouart, fils du peintre Henri Rouart et évoluera dans le cercle artistique des parents et amis de sa mère, Edouard Manet, Degas, Mallarmé, Renoir. Son influence sera importante pour la défense des peintres impressionnistes, particulièrement celle de sa mère Berthe Morisot, qu’elle contribuera à promouvoir avec son mari.


Berthe Morisot au Portrieux en 1894

Dans une lettre à son ami le poète Stéphane Mallarmé, Berthe Morisot explique sa décision de passer ses vacances en Bretagne : « Nous avons décidé d’aller en Bretagne rien qu’en regardant les petites affiches dans la salle d’attente de la gare Saint-Lazare… Mes nièces sont avec moi ; on se promène sur le rivage, en rase campagne et tout serait charmant si le lieu n’était pas joli, m’invitant à le peindre ». (Mallarmé et Berthe Morisot, Correspondance, 1876-1895).

Le quatrain de Mallarmé – © Bridgeman images.

Nous avons le récit détaillé de ces vacances, grâce au journal de la fille de Berthe Morisot, Julie Manet (Journal de Julie Manet 1893-1899 mercure de France).

Portrait de Julie Manet – Auguste Renoir – © Musée Marmottant-Monet

Après un long voyage en train jusqu’à Saint-Brieuc, Berthe Morisot, Julie sa fille et sa chienne Laïta, Paule et Jeannie ses nièces prennent le coche, arrivent au Portrieux au petit matin du 9 août 1894 et y séjournent jusqu’au 15 septembre 1894.

Elles découvrent les environs au cours de leurs nombreuses promenades : « Nous sommes émerveillées devant ce paysage breton, il me rappelle ceux de Nice ».

Le 16 août : « c’est vraiment joli d’avoir la mer derrière les blés, des champs de toutes sortes, des maisons ». 

Le 2 septembre : « Un islandais est arrivé hier dans la brume[…]tous les bonnets sont sur la jetée, ils remuent, ils se pressent[…]Il s’avance ce grand bateau, il devient grand sur la mer. […]il devient beau, magnifique, la nuit tombe peu à peu, les marins d’Islande entonnent un chant de joie et de retour. […]sur la jetée des femmes calmes sont rangées avec leurs enfants[…]

Le 8 septembre : « Nous allons beaucoup sur le port, qui se remplit de grands bateaux, tous les islandais reviennent. Le mouvement qu’il y a sur la jetée est très gai ».

Dans Le jardin de Roche Plate – Berthe Morisot – © Bridgeman Images

Berthe Morisot peint beaucoup dans le jardin de Roche Plate, la maison qu’elle a louée rue du Commerce :

«Le jardin est très joli,[…]devant moi, l’allée fleurie de roses blanches et roses, l’allée bordée de buis et derrière le vieux toit recouvert de mousse que nous avons toutes fait en peinture».

Berthe Morisot exécute une vingtaine d’œuvres pendant son séjour au Portrieux.


Berthe Morisot, l’impressionniste

Autoportrait – Berthe Morisot – © musée Marmottan-Monet

Seule femme accueillie à la Société anonyme des peintres, sculpteurs et graveurs, qui réunit des artistes avant-gardistes, Berthe Morisot est aussi la seule artiste avec Pissarro à participer, à partir de 1874, à toutes les expositions impressionnistes jusqu’en 1886.

Disposant des moyens nécessaires au financement du projet d’exposition libre de 1886, c’est à elle que sont soumises les candidatures des artistes, qu’elle étudie avec sérieux et intégrité.

Les œuvres des divisionnistes Seurat, Pissaro et Signac y seront présentées, mais dans une salle à part.

Berthe Morisot peint surtout des scènes familiales et des portraits. Sa fille Julie est son meilleur modèle. Elle reçoit chez elle des peintres qui admirent son travail, Degas, Caillebotte, Monet, Pissarro, Renoir, et des poètes comme Mallarmé, son ami, qui sera le tuteur de sa fille Julie, à la mort de son mari, en 1892.

Malgré 423 tableaux, 240 aquarelles,191 pastels, plus de 200 dessins, Berthe. Morisot n’est pas reconnue dans le contexte masculin de son époque et les critiques ne sont pas tendres avec elle :

« Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égal à égal, et c’est tout ce que j’aurais demandé. Car je sais que je les vaux ».

Cette production artistique est essentiellement achetée par des collectionneurs privés.

Quelque peu délaissée, l’œuvre de Berthe Morisot est redécouverte à la faveur d’expositions consacrées à l’impressionnisme (musée d’Orsay 2019).

Par la douceur des jeux de lumières et la délicatesse des couleurs, ses tableaux ont enfin pris la place qui revenait à cette artiste.