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La vie au lavoir

Le lavoir, le « doué », lieu de travail mais aussi d’échanges, de bavardages, de sociabilité. 

Laver le linge était une tâche réservée aux femmes. De bon matin, les laveuses passaient prendre le linge chez leurs clients, les hôtels ou les maisons particulières, et arrivaient au lavoir lourdement chargées avec leur brouette, ou « bérouettes », à claire-voie qui permettait à l’eau de s’écouler lors du transport du linge essoré mais encore humide. Les habitants se trouvant sur leur passage étaient réveillés de bonne heure par le grincement des roues en fer et le claquement des « choucanes » (sabots à semelles en bois et à brides en cuir).
Plus tard dans la matinée, c’était le tour de celles qui faisaient leur propre lessive. 

Au lavoir, elles installaient leur « boite », sorte de caisse en bois garnie de chiffons ou de paille qui permettait de protéger les genoux, sortaient leur battoir et leur brosse et savonnaient, brossaient et frottaient tout en bavardant et riant aux histoires des unes ou des autres. 

Chapelle Sainte-Anne Saint-Quay-Portrieux

Le travail était pénible, dehors, dans le froid et l’humidité, à genoux et le dos courbé, les mains gelées l’hiver. Mais cause de peine, le lavoir était aussi source de plaisir et de liberté car il réunissait un bon nombre de femmes. On s’y disait toutes les nouvelles, on s’échangeait secrets et confidences, c’était le « journal local », et plus tard « radio lavoir ». C’était aussi un espace propice à la création de chansons.

Au lavoir, les réputations des uns et des autres se faisaient ou se défaisaient. 

Les bénévoles de l’Amicale des Moulin, Fontaine, Lavoirs organisent chaque année un grand nettoyage des lavoirs et une fête où gestes et chansons d’autrefois sont perpétués.

Le lavoir, terrain de jeu des enfants

Chaque enfant du quartier était tombé au moins une fois dans le lavoir ! La pierre à égoutter du rinçoir servait de terrain pour les courses d’escargots : les enfants trouvaient les escargots dans les murs humides du lavoir puis les alignaient en bout de pierre. C’était à celui qui verrait son escargot arriver le premier, attiré par les feuilles de salade.
Le léger courant dans le lavoir qui faisait partir l’eau savonneuse facilitait les courses de bateaux : un os de seiche ramassé sur l’estran muni d’un bout de bois en guise de mât faisait l’affaire et les régates étaient lancées.
A l’arrivée des lavandières, les enfants étaient priés de déguerpir car, vraisemblablement, ils n’avaient désormais plus le droit d’entendre ce qui se disait là… (d’après les récits d’anciennes laveuses du Portrieux)

Témoignages

« Mon village et la mer » Ange Malenfant. 1979 P 71

Ecoutez la lecture en podcast « au doué » après le témoignage

« Au doué, [ma mère] a été questionnée sur sa famille, sur ce qu’elle faisait avant son mariage, où elle a connu son homme. C’est à ce sacré doué que les réputations se font et se défont. Toutes les femmes du village y vont laver leur linge, à genoux dans leur case en bois, rembourrée d’un peu de paille pour protéger les genoux, et chaque jour les battoirs vont bon train, les langues aussi. Certaines femmes sont lavandières et sont sur le doué pratiquement tous les jours et par tous les temps. Elles connaissent tout ce qui se passe et observent la façon de laver de chacune. Une telle met trop de javel et pas assez d’huile de coude. Telle autre utilise trop la brosse en chiendent et use le linge, telle autre ne rince pas assez, etc. De temps à autres une femme arrive avec ses seaux pour puiser à la fontaine sa provision d’eau pour la journée, et ça patoise à qui mieux mieux. « Et ton homme, où est-il ? Va-t-il bientôt avoir une permission ? As-tu eu de bonnes nouvelles ? Le mien est parti pour le Chili, en voilà encore pour plus d’un an seule ». C’est la vie, oui, c’est la vie, mais il faut être né dans cette ambiance pour pouvoir dire : « Bah ! c’est la vie… »

Témoignage d’une fille de laveuse 

Ma mère mettait le linge et draps dans la lessiveuse avec du savon, elle le faisait bouillir sur le fourneau dans la cuisine, il fallait descendre la lessiveuse et la mettre dans la brouette, redescendre la côte jusqu’au lavoir et descendre les marches du lavoir avec la lessiveuse, on aimait arriver de bonne heure pour être près du rinçoir. Lorsqu’elle est tombée malade en 1963, je travaillais déjà à Saint-Quay, mais il a bien fallu que j’aille laver le linge….

Au Doué…

Au Doué