Le calvaire et sa restauration

Ce calvaire, classé Monument Historique le 25 janvier 1918, date de la fin du 15e siècle ou du tout début du 16e siècle, période d’affirmation de l’art breton Il n’a pas d’équivalent en côtes d’Armor.
En signe de dévotion, certaines familles nobles faisaient édifier leur propre calvaire. On pense que c’est le cas de celui-ci.
Il porte les armes des familles Nicol et Percevaux, et se trouvait sur les terres du manoir de la rue Louais. Vers la fin du 15e siècle, une épidémie de peste décima la population en épargnant, semble-t-il, les seigneurs du lieu.
C’est peut-être alors pour remercier le ciel de sa clémence qu’ils auraient fait ériger ce calvaire, au coeur du hameau, au carrefour des routes vers Saint-Quay, Etables et Plourhan

Le calvaire de la rue Louais
Placé sur un petit tertre, il était particulièrement révéré par les habitants qui y venaient en pèlerinage en temps d’épidémie, y récitaient des neuvaines pour conjurer sécheresse et pluies, et y invoquaient sainte Barbe pendant les orages. De nombreux hommes du village partant à la grande pêche, on y priait également Notre-Dame de Pitié lorsque la tempête faisait craindre les naufrages…
Pendant les années de la Terreur qui suivirent la Révolution de 1789, les habitants, craignant que leur calvaire soit abattu, le démontèrent pour le préserver et en cachèrent les différents éléments dans les fermes et maisons voisines.
Il se dit qu’ils trouvèrent dans le soubassement une pierre creusée contenant des parchemins donnant l’histoire de l’origine du calvaire ainsi que des brefs octroyant diverses indulgences à ceux qui viendraient y faire leurs dévotions… Malheureusement ces documents n’ont jamais été retrouvés !
En 1862, à la demande du recteur de Saint-Quay le calvaire fut remonté à sa place d’origine. Il fallut remplacer ou reconstituer tant bien que mal certains éléments perdus ou brisés, comme le fût qui, à l’origine en granit clair, fut remplacé par un fût en granit plus sombre.

Déplacement du calvaire
En 1986, se préparent les travaux de construction du nouveau port en eau profonde de Saint-Quay-Portrieux. Il sera construit entre 1988 et 1990. En prévision du passage des camions transportant les blocs de pierre pour les enrochements, prélevés non loin, le calvaire est déplacé de quelques mètres et placé en retrait sur un terrain privé. Il faudra attendre de longues années pour qu’il retrouve sa place !

Une belle restauration en 2020
Quelque peu « oublié » sur ce terrain, le monument se dégrade. Dès 2017, les riverains et une association, l’Amicale des moulin, lavoirs et fontaines, signalent à la Direction Régionale des Affaires Culturelles et à l’Architecte des Bâtiments de France qu’il est urgent d’intervenir.

La place d’origine se trouvant sur la limite communale, les communes de Binic-Etables sur Mer et Saint-Quay-Portrieux s’entendent pour mener à bien cette restauration, sous la direction d’un architecte habilité, avec l’aide de subventions du département et de la Région.
Le démontage du calvaire, son nettoyage, la sculpture des éléments manquants, la réfection du fût dans un granit clair au ton approprié, la consolidation des éléments fragilisés ont été effectués par des entreprises bretonnes qui ont réalisé là un magnifique travail. Croquis et dessins réalisés aux siècles passés, principalement au 19e siècle, ont aidé à lui restituer au plus près possible l’aspect qu’il avait autrefois.

Henri Frotier de la Messelière – 1931 – Archives Départementales Côtes d’Armor
Puis, le calvaire a été remis à la place qu’il avait occupé pendant des siècles : au centre du carrefour. Il a été inauguré le 18 septembre 2020, en petit comité car les restrictions liées à la pandémie de COVID 19 n’étaient pas levées.

Comme à l’origine son socle repose sur une élévation d’un mètre, entourée à hauteur d’un mur maçonné en pierre du pays. Deux jambages en granit marquent l’entrée de l’enclos, fermé par une grille en fer forgé. On y accède par trois marches.
L’orientation d’origine a été respectée : ce qui touche à la naissance du Christ est orienté à l’est, ce qui a trait à la mort à l’ouest.