grande pêche, cabotage et pêche côtière
La rentrée au port – Eugène Boudin – vers 1873 – © Bridgeman images.
La grande pêche
Dès 1612, les navires du Portrieux et de Binic ont été les premiers de la Baie de Saint-Brieuc à partir pêcher la morue à Terre-Neuve
Salée ou séchée, la morue se conservait et se transportait facilement. Elle a permis d’alimenter la population pendant les nombreux jours « maigres » (sans viande) imposés par l’église.
La traversée vers Terre-Neuve, longue de 2.250 miles nautiques (soit 4.167 km) durait au moins trois semaines. Le voyage était périlleux sur les navires portant de 30 à 50 hommes d’équipage et chargés des petites barques qui serviront à pêcher sur les côtes de TN. Le départ avait lieu au printemps. La rade du Portrieux étant la plus profonde, les navires morutiers de toute la baie de Saint Brieuc s’y rassemblaient avant le grand départ.
De nombreux navires du Portrieux pratiquaient à Terre-Neuve la pêche dite sédentaire. Des installations étaient implantées pour abriter les hommes et préparer le poisson qui, pêché à partir de barques, était salé et séché à terre.
Certains navires allaient pêcher à la dérive sur les grands bancs et ne touchaient pas terre. Les hommes embarquaient sur des canots ou « doris » à partir desquels ils pêchaient. Le poisson était préparé et salé à bord.
Traité général des pêches – Henri Duhamel du Monceau – 1769
Après une longue et dure campagne de pêche à Terre-Neuve et sur les grands bancs, le retour s’effectuait vers la fin du mois d’Août ou début de septembre. Une partie des navires ne rentrait pas en Bretagne et allait directement vendre le chargement de morues à Marseille ou dans d’autres ports méditerranéens. Ils revenaient à leur port d’attache juste avant le printemps, chargés de marchandises diverses (huile, savon…) de sel acheté en Vendée pour les prochaines campagnes et d’alcool destiné aux rations quotidiennes de l’équipage.
Au début du XIXème siècle, les armateurs à la grande pêche découvrirent un nouvel Eldorado : l’Islande. La traversée vers l’Islande était plus courte que celle vers Terre-Neuve, la campagne était plus longue, la pêche plus profitable, mais aussi plus dangereuse car les tempêtes étaient fréquentes et les côtes inhospitalières. Les navires utilisés pour Terre-Neuve n’étant ni assez rapides ni assez manœuvrants pour les eaux islandaises, la goélette à hunier, plus fine, plus rapide, plus maniable, fleuron des chantiers navals paimpolais à partir de 1850, sera le navire islandais emblématique décrit par Pierre Loti dans « pêcheurs d’Islande » Les marins ne débarquaient pas et pêchaient depuis le navire, les morues étaient préparées et salées à bord.
Débutée fin février la pêche à Islande s’achevait généralement en septembre. Comme pour la pêche à Terre-Neuve, certains bateaux rentraient au port, d’autres ne désarmaient pas et partaient commercialiser leur pêche le long des côtes méditerranéennes.
Bonnes années, mauvaises campagnes, naufrages, le Portrieux a vécu à ce rythme jusqu’à la fin de l’armement pour la pêche à la morue. Tout le pays était organisé autour de cette économie de la grande pêche : armateurs, capitaines, matelots, mousses, avitailleurs, charpentiers, etc. A l’apogée en 1820, dix navires ont quitté Portrieux pour Terre-Neuve avec 550 marins à bord. En 1872 quatre navires sont partis pour Terre-Neuve avec 93 hommes et onze pour Islande avec 240 hommes.
La dernière campagne de pêche à la morue a eu lieu en 1920 au Portrieux.
Le cabotage
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le cabotage est un indispensable moyen de transport et de communication car les routes bretonnes sont fort mauvaises, voire inexistantes.
Tout est acheminé par bateau : maërl (sédiment marin utilisé comme amendement calcaire pour l’agriculture), bestiaux, bois de construction, légumes, passagers… Les trajets sont côtiers, mais aussi trans-Manche ou remontant vers l’Europe du Nord. Le Portrieux est depuis toujours un centre de cabotage très actif.
En 1800 des cutters, voiliers rapides à un seul mât, assurent un service régulier avec Jersey et Guernesey pour le commerce des primeurs mais aussi pour le transport de la main d’œuvre saisonnière. Ils sont relayés à la fin du 19e siècle par des navires à vapeur et des goélettes. Le trafic du port vers les îles anglaises s’élève en 1857 à 70 navires armés au cabotage. A cela il faut ajouter l’activité de dragage des sables calcaires pour les besoins de l’agriculture et de la construction. Toutes les exportations de denrées du département vers l’Angleterre passent par le Portrieux. Pour l’année 1858, on a compté 267 navires à l’entrée et 261 à la sortie, dont 177 anglais.
Au début du XXème siècle le commerce de la houille avec Cardiff se développe, notamment pour alimenter le four à chaux du Portrieux. 22 000 tonnes sont déchargées en 1913.
Deux caboteurs, Le Léonard et Le Trégor, assurent encore dans les années 1960 le transport du ciment et de la chaux.
Mais la concurrence du transport par chemin de fer est forte (ouverture de la ligne de chemin de fer Saint-Brieuc – Plouha en 1905) et le commerce maritime du Portrieux disparaît presque complètement au milieu du XXème siècle comme dans les autres ports des Côtes du Nord.
La pêche côtière
La pêche côtière a toujours été pratiquée au Portrieux, comme moyen d’existence de nombreuses familles. Sur leurs petits canots, d’abord à voile puis à moteur, seuls ou à deux, chaque jour, les marins pêchaient à la traîne les poissons souvent vendus par leurs femmes.
Le « traité général des pêches » de Henri Duhamel du Monceau publié en 1769 note qu’en Baie de Saint Brieuc, on pêche surtout à la ligne et un peu au filet avec des bateaux de 2 ou 3 tonneaux : turbots, plies, congres, lieux, vieilles, mulets, anguilles de mer, raies, soles, roussettes, rougets, maquereaux. On drague les huitres, et on pose nasses et casiers.
A partir de 1930, les bateaux sont progressivement motorisés.
Dans les années 1950-1960, après avoir épuisé les bancs d’oursins, les coquilliers polyvalents, armés aux dragues à praires puis aux coquilles Saint-Jacques, vont développer une pêche à la fois durable et rentable. Pour préserver le gisement la pêche à la coquille est strictement contingentée. Un quota de pêche est fixé chaque année en prenant en compte les indices d’abondance pour les année futures, ce qui permet au gisement de la baie de Saint-Brieuc de demeurer un des premiers de France.
L’inauguration du port en eau profonde en 1990 permet à cette pêche de devenir le fleuron de Saint-Quay-Portrieux.
Saint-Quay Port-d’Armor est devenu le plus important port coquillier de France et accueille en 2022 165 navires côtiers et 6 navires hauturiers.
La station de sauvetage
Le Portrieux a accueilli dès 1865 une station de sauvetage sous l’égide de la SCSN (Société Centrale de Secours aux Naufragés). Les Ponts et Chaussées réalisent l’abri du canot à l’emplacement de l’actuelle coopérative maritime.
Les premiers canots, mis à l’eau à partir de 1867, marchent à l’aviron et à la voile. Ils ne seront motorisés qu’après la seconde guerre mondiale. Les HSB (Hospitaliers Sauveteurs Bretons) prennent la station en charge, jusqu’en 1967 où leur fusion avec la SCSN donne naissance à la SNSM (Société Nationale de Secours en Mer). Toutes ces structures de sauvetage en mer qui sauvent tant de vies sont associatives et fonctionnent grâce à des bénévoles.
La station SNSM de Saint-Quay-Portrieux dispose d’un local sur le terre-plein du port d’Armor. Grâce à lui, Saint-Quay-Portrieux est « port de refuge » pouvant faire partir la vedette de sauvetage à tout moment, de jour comme de nuit indépendamment des marées et accueillir tous les secours médicaux. C’est une station permanente qui dispose d’une vedette de première classe « Sainte Anne du port » et d’un grand semi rigide. Elle compte une quarantaine de bénévoles et agit sous les ordres du CROSS CORSEN (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage pour la Bretagne Nord).