La vie au Portrieux
La jetée du Portrieux – Emile Querangal – vers 1830
Commerces et auberges
On trouvait tout dans le village : nourriture, quincaillerie, équipements pour les marins etc. Il faut imaginer les rues encombrées de charrettes et d’étals. Les navires caboteurs pouvaient arriver de jour comme de nuit, de nombreuses petites auberges permettaient aux équipages de se restaurer. Un marché aux poissons se tenait quotidiennement devant la chapelle Sainte Anne. L’atelier du maréchal-ferrant était tout proche. Entre 1870 et 1908, un grand four à chaux a fonctionné au Portrieux pour les besoins de la construction. Il employait jusqu’à cent ouvriers dont certains étaient des marins revenus de campagne de pêche. Pour l’alimenter, du charbon en provenance de Swansea au pays de Galles et des pierres à chaux venant de Regneville en Normandie étaient débarqués au port et stockés dans un grand entrepôt en bas de l’actuelle rue Clémenceau.
Sur le port, le grand marché hebdomadaire attirait la population des alentours. Il existe toujours le lundi matin. Trois fois par an se tenait une foire aux chevaux et aux bestiaux, en janvier, juin et septembre.
Jusque dans les années 1970, le Portrieux comptera de très nombreux commerces alimentaires : épicerie, crèmerie, boulangerie, charcuterie, boucherie, poissonnerie ainsi que des commerces d’autre nature, quincaillerie, cordonnerie, atelier de couturière, vente d’articles en tous genres… les anciens s’en souviennent avec une pointe de nostalgie.
Une campagne de pêche
Le Portrieux armait principalement pour Terre-Neuve et à la fin du 19e siècle, pour Islande. Les campagnes de pêche rythmaient la vie du village.
Dès la fin janvier c’était l’enrôlement des marins, puis l’équipement. Les matelots touchaient une avance de l’armateur pour se procurer linge, couverts, tabac, paillasse, vêtements de travail huilés, bottes-sabots etc. En même temps, il fallait armer et avitailler les navires, gréement, instruments de navigation, sel pour les morues, vivres pour plusieurs mois, pharmacie de bord…
Mi-mars, c’était le départ pour cinq à six mois de pêche dont plusieurs semaines de traversée.
En septembre ou octobre, c’était enfin le retour des équipages. Quelques navires partaient directement vendre le produit de la pêche à Marseille, en Italie, Espagne ou en Afrique du Nord. Ils revenaient juste avant la campagne suivante, chargés de vin, savon, huile, sel, et par exemple, d’un autel pour la chapelle !
En 1820, à l’apogée de la pêche à Terre-Neuve, 10 navires ont quitté le Portrieux pour Terre-Neuve avec 550 marins à bord. En 1872, 4 navires sont partis pour Terre-Neuve avec 93 hommes, et 11 pour Islande avec 240 hommes. Les armements pour Terre-Neuve ont cessé en 1886, et la dernière campagne vers Islande a eu lieu en 1920.
La Goélette Le Martial partant pour Islande
L’arrivée des « baigneurs » et le développement des hôtels et pensions de famille
Le déclin de la grande pêche coïncide avec le début de la vogue des bains de mer. En 1863 le chemin de fer arrive à Saint Brieuc. Les voyageurs désireux de se rendre au bord de la mer peuvent prendre une diligence qui les mène au Portrieux en cinq heures. Un peu plus tard, en 1905, le petit train des Côtes du Nord arrive en gares de Portrieux, devenu « Portrieux les bains » et de Saint-Quay en 1h30 seulement. Saint-Quay-Portrieux change alors de visage et se tourne vers le tourisme. Hôtels et pensions de famille bordent le port, les villas se multiplient. De village de pêcheur, Saint Quay Portrieux devient un pôle touristique balnéaire et commercial.
Venelles, maisons et villas
Sur cette peinture on remarque la grève qui arrive au pied des maisons, le clocher de la chapelle Sainte-Anne, les maisons de pêcheurs qui voisinent avec les maisons de maîtres et l’habitat très dense. Il l’est toujours, le cœur du Portrieux a peu changé de visage.
Anonyme – sans date.
Le Portrieux est parcouru de pittoresques petites venelles aux noms évocateurs : venelle du soleil levant, venelle des islandais, venelle du Port à le Chapelle, venelle des pêcheurs, venelle Saint-Eloi, venelle des Courtieux, venelle de l’Audience (car dans l’oratoire puis dans la chapelle, depuis le 13ème siècle et jusqu’à la Révolution, haute moyenne et basse justice étaient rendues et les jugements affichés sur les portes de la chapelle.)
Côté marins et pêcheurs, les petites maisons au confort rudimentaire, serrées les unes contre les autres communiquaient souvent par leurs cours ou des petits jardins en lanière. Il fallait chercher l’eau à la fontaine, égouts, eau courante et électricité ont été installés à partir de la fin du 19ème siècle.
Les maisons des armateurs, c’est-à-dire de ceux qui possédaient les navires, sont plus opulentes.
Leur caractéristique commune était d’être proches du port, avec vue sur les bateaux, afin de surveiller départs, arrivées, chargements et déchargements. Parfois, si elles n’étaient pas sur le port, une tourelle permettait d’avoir la vue qui convient.
Au Portrieux, il s’agissait de « petits » armateurs, ne possédant que peu de bateaux, sans commune mesure avec les grandes familles de Saint Malo ou de Nantes.
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle puis au 20ème siècle, d’élégantes villas ont été construites aux alentours, généralement proches de la mer, mais le caractère du Portrieux demeure.